L’insupportable paternalisme à propos du voile

Manuel Valls était en guerre depuis les attentats, il vient désormais de désigner un ennemi intérieur. « Ce que représente le voile pour les femmes, non ce n’est pas un phénomène de mode, non, ce n’est pas une couleur qu’on porte, non: c’est un asservissement de la femme » a-t-il affirmé à quelques pas de la Place de la République – où la Nuit Debout s’est installée ce qui souligne d’autant mieux le décalage entre un Premier ministre belliqueux et la réalité des Français – faisant ainsi des femmes voilées un ennemi à combattre car toutes porteuses d’un projet politique. « L’essentiel, c’est la bataille culturelle identitaire, si nous ne gagnons pas cette bataille, on oublie tout » s’est-il empressé d’ajouter, n’hésitant ainsi pas à affirmer la prééminence de la question identitaire sur la question sociale.

Avant d’évoquer le paternalisme patent à l’égard du voile, je vais vous confier une chose. Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est l’un de mes adversaires, de mes véritables adversaires. Il a un nom, des visages, des partis, il a présenté sa candidature mais n’a pas été élu et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est l’extrême droite. En plaçant la question identitaire au-dessus de la question sociale, notre Premier ministre soi-disant socialiste permet aux idées d’extrême-droite de gouverner. La navrante polémique sur le voile n’en est-elle pas la preuve ? Evidemment, ces questions doivent être abordées mais dans un climat serein pas dans une volonté de stigmatisation ou d’affrontement.

Le paternalisme pour casser le patriarcat, vraiment ?

L’argument que l’on entend revenir comme une antienne est celui de l’oppression que subiraient toutes les femmes voilées. Il faut ici nous départir de toute ambiguïté : oui il existe des femmes qui portent le voile sous la contrainte et il faut condamner absolument toute personne qui force une femme à porter un voile – d’autant plus que c’est contraire aux préceptes islamiques. Toutefois, généraliser et infantiliser toutes les femmes voilées au prétexte de les sauver d’un patriarcat archaïque est une vision à la fois partielle et partiale des choses. Lorsque j’entends Elisabeth Badinter expliquer qu’il faut expliquer aux femmes voilées ce qui est bien pour elles, je ris jaune. Cette position n’est pas sans rappeler la posture coloniale qui voulait que les occidentaux civilisés éduquent les indigènes barbares. Décider d’une chose pour quelqu’un sans se préoccuper de son avis c’est agir contre lui.

Une telle position, en plus d’être pleine de relents néocoloniaux, est surtout totalement incohérente et absurde. Vouloir libérer les femmes voilées en leur disant exactement ce qu’elles doivent faire revient à adopter un paternalisme condescendant et humiliant. Finalement ce que nous propose nos islamophobes revendiqués – Elisabeth Badinter expliquait qu’il n’y avait pas de mal à être traité d’islamophobe en janvier dernier – c’est de faire sortir les femmes voilées du patriarcat, à leurs yeux, arabo-musulman pour mieux les faire entrer dans un patriarcat occidental puisqu’on leur explique ce qu’elles doivent faire. Nous sommes tous libres mais certains plus que d’autres c’est bien cela que révèle cette position. Être féministe ce n’est pas imposer une règle aux femmes mais bien les laisser décider de ce qu’elles veulent être. Comment peut-on condamner le matin les hommes qui forcent les femmes à se voiler et affirmer l’après-midi que toutes les femmes doivent retirer leur voile ?

De quoi l’Islam de France est-il le nom ?

Il y a une dizaine d’années, il était question de l’Islam en France mais désormais, comme l’a expliqué Manuel Valls, il ne faut plus utiliser cette expression et parler d’Islam de France. Ce glissement sémantique, que beaucoup considèrent comme anecdotique, est en réalité le révélateur d’une farouche opposition à l’Islam tel qu’il existe aujourd’hui dans notre pays. Parler d’Islam en France c’est évoquer la présence de musulmans au sein de notre pays qui peuvent vivre leur foi comme ils l’entendent  du moment que les lois de la République sont respectées. Militer pour un Islam de France, comme le fait avec zèle notre Premier ministre, revient, au contraire, à exiger des musulmans français (ou des français musulmans comme vous préférez) qu’ils abandonnent une part de leur foi et de leur religion afin de plaire aux laïcistes les plus zélés.

Finalement, derrière cet Islam de France se cache la volonté d’expulser de France une partie de la foi musulmane. Manuel Valls, au mépris de toutes les règles de la laïcité soit dit en passant, exige des musulmans vivant en France qu’ils se dépouillent de leur religion pour ne plus être que des musulmans de culture. Le but non avoué est sans doute de conserver la part d’exotisme que possèdent les musulmans en faisant le ramadan ou en apportant des gâteaux le jour de l’aïd en réclamant dans le même temps qu’ils abandonnent une partie d’eux-mêmes, à savoir leur foi. Ce que semble oublier nos chers dirigeants c’est que les musulmans ont le droit d’être ce qu’ils sont, du moment qu’ils respectent les lois de la République. Ce glissement sémantique s’est d’ailleurs accompagné d’un autre glissement : du questionnement sur la compatibilité de l’Islam avec la République on est passé à la volonté de rendre l’Islam soluble dans la République. Mais rendre soluble quelque chose ne revient-il pas précisément à le faire disparaître ?

Nous le voyons donc, sous le couvert de la laïcité – d’une laïcité totalement dévoyée en réalité – Manuel Valls, après Laurence Rossignol ou Elisabeth Badinter s’en prend farouchement aux musulmans vivant en France. Aussi contribue-t-il à fracturer la société française en désignant et en jetant en pâture aux médias un prétendu ennemi de l’intérieur. Comme je l’avais écrit juste après les attentats de novembre, le but de Daech est profondément politique : il est de réussir à diviser la société française. Et comme je l’avais écrit à ce moment-là Daech ne peut y arriver seul car les seuls capables de détruire la société française sont les Français. Force est de constater que nous voyons la dynamique s’enclencher petit à petit à force de déclarations belliqueuses et autres stigmatisations honteuses de la part de nos dirigeants politiques. Ils feraient mieux de relire Jaurès et Briand à propos de la laïcité, ils comprendraient alors que ce qu’ils sont en train de faire est totalement contraire à la laïcité telle que l’ont défendu ces deux grands hommes. En ces temps sombres et troublés il nous faut nous souvenir de la phrase magnifique de Jaurès pour ne pas sombrer dans la fracturation de la société : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques » car les fanatiques ne sont pas que du côté de Daech.

18 commentaires sur “L’insupportable paternalisme à propos du voile

  1. Considérer que Manuel Valls a des idées d’extrême-droite, c’est tellement attendu franchement…. Comme la vieille rengaine de la france coloniale.

    Et dire qu’Elisabeth Badinter « s’en prend farouchement aux musulmans vivant en France », n’est-ce pas d’une manière lui donner raison quand elle dit qu’il ne faut pas craindre d’être traités d’islamophobe ?

    Et finir en disant que les fanatiques ne sont pas que chez daech, comme si on pouvait mettre sur le même plan Laurence Rossignol et Al-Bagdadi… pour le coup c’est insultant et assez malhonnête

    Cela dit une contradiction : comment pouvez-vous dire qu’il faut laisser les femmes musulmans vivre et exprimer leur foi librement tout en ajoutant « c’est contraire aux préceptes islamiques » ??

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    • Bah je ne fais que reprendre ses mots. je n’ai pas parlé de la vieille rengaine coloniale il me semble.
      On peut être fanatique mais pas dans le même degré ni dans le même fanatisme, c’est ce que je pense.
      Et je ne vois pas de contradiction puisque je dis précisément qu’OBLIGER une femme à porter le voile est contraire aux préceptes.

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      • Je vous cite « Une telle position, en plus d’être pleine de relents néocoloniaux, » puis « Cette position n’est pas sans rappeler la posture coloniale » Or ce que dit Valls n’a rien à voir avec du néocolonialisme !

        Pour les préceptes islamiques, mea culpa, j’avais compris que le voile était contraire aux préceptes islamiques, après relecture ce n’est pas ce qui est écrit, pardon !:

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  2. Il n’est pas question de les « rééduquer » ! Le port du voile est présent dans certaines civilisations, je ne vais pas arriver et les « remettre dans le droit chemin » mais dans certains cas il est effectivement un symbole d’asservissement. Or, quand des marques françaises s’en emparent, j’aurais tendance à penser que cela revient à nier la violence que cela représente pour certaines femmes qui y sont contraintes, en France comme ailleurs.

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    • Ce qui me dérange fondamentalement c’est la généralisation que ça implique. Oui il existe des femmes qui portent le voile de manière forcée et il faut lutter contre ça mais il faut arrêter de dire que c’est une généralité ou même une majorité.

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      • Personne ne dit que c’est une généralité ! C’est une minorité; c’est évident.
        Qu’elles se voilent si elle le souhaite, ni moi, ni Elisabeth badinter ne les en empêcheront évidemment. Mais le fait que des marques produisent des burkinis par ex, cela me choque. Pour moi la burqa (qui n’a plus rien à voir avec le voile, bien entendu) est le signe d’un islam littéraliste, fondamentaliste. Que des marques s’en emparent est juste obscène.

        D’où ma remarque sur le néocolonialisme : il n’y a aucun désir de domination de Valls sur les musulmans en tant que tels ! d’autant plus que tu sembles publier que bcp de femmes musulmanes ne se voilent pas et ne sont absolument pas concernées par ces déclarations.

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      • Pour moi c’est de la pure récupération, c’est se faire de l’argent facile, en surfant sur la mode. Alors que le port du voile, ce n’est pas un phénomène de mode, c’est un vêtement traditionnel. Il y a des femmes, même en France, qui le porte de force. Ce qui me gêne c’est que présenter ça comme si c’était un vêtement comme un autre c’est
        – 1 Lui nier son caractère religieux, pieux, que je respecte, moi, pas comme ces marques qui veulent juste se faire du fric facilement
        – 2. Une façon d’oublier toutes celles qui y sont forcées.
        Je me mets deux secondes à la place d’une femme qui est contrainte de porter le voile et qui se rend compte qu’il y a des marques qui le mettent en vente et oui, ça me gêne, je ne trouve pas ça moral.

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  3. Et me voilà! je vous découvre à peine en rediff’ sur Youtube, et j’atterris dans la foulée sur votre blog : vous êtes jeune, vous êtes drôlement lettré et cultivé pour votre âge, forcément, ça se remarque…et là, bim, je suis déçue. Je vais ici simplement essayer de tout mon coeur de vous ouvrir à ma vision, croyez que mon désir le plus fou est d’arriver à vous rallier à l’idée que je vais défendre ici, car si des gens comme vous (jeunes et intelligents) me comprennent, alors l’humanité va peut-être se porter mieux d’ici quelques années. Ouais, c’est un peu pompeux comme intro, mais il est tard je suis fatiguée (oui, je suis une fille!). Alors voilà : vous êtes vous déjà demandé pourquoi aucune religion ne demandait aux hommes de se voiler plutôt qu’aux femmes? …. je vous laisse réfléchir, prenez tout votre temps… Beaucoup de femmes portent le voile volontairement, dites-vous. Comme je suis d’accord avec vous! C’est vrai. Savez-vous que dans les années 40, en France, si vous demandiez leur avis aux femmes, majoritairement, elles ne souhaitaient pas voter! Elles ne s’estimaient pas compétentes. Elles ne se l’autorisaient pas… on aurait pu dire qu’elles ne votaient pas…volontairement.
    Mais ce n’est pas simplement la faute des hommes, ces vilains garçons oppresseurs. Un individu peut parfaitement s’aliéner lui-même, par manque de confiance en soi. Après tout, la nature lui a donné des muscles mous et un corps facilement violable, fait pour être une bonne partie de sa vie en cloque, ou allaitant, donc peu libre pour se développer personnellement, (psychiquement, intellectuellement, physiquement), s’occuper de lui et se défendre. Il est forcément un peu obligé de se mettre sous la protection de l’autre.(je dis « il » mais je parle de « elle », vous avez saisi).
    Voilà donc l’histoire de l’humanité. Après, le progrès scientifique a pallié à pas mal de trucs, mais la psyché humaine est issue de milliers d’années de réalité biologique, ne l’oublions pas.
    On peut retrouver cette aliénation volontaire dans plein de domaines, la « volonté » de travailler 35h par semaine (oui, à mon sens, si on était vraiment sincères, si on se l’autorisait, si on osait ne plus croire au dogme qui prétend que le travail serait une valeur, et non simplement un moyen, on irait bien siester deux jours au soleil comme le lion, après avoir chassé la gazelle pendant une heure seulement), la « volonté » des femmes occidentales de s’épiler, la « volonté » de certains hommes de faire de la muscu ou d’être le plus riche (pardon, je n’ai que des clichés à vous citer mais au moins ça donne une touche humoristique)…

    J’espère vraiment qu’ à se stade de mon commentaire vous commencez déjà à ouvrir des fenêtres dans votre réflexion. Je le souhaite vraiment, tellement. Vous savez bien qu’en Somalie ce sont les femmes excisées qui font exciser leurs filles. Elles ont vécue cette horreur. Elles ont intégrés que cela était une nécessité pour être acceptable auprès des autres et auprès d’elle-même. Et à présent elles le veulent pour leur fille. Evidemment, vous êtes suffisamment intelligent pour vous douter que je le suis assez moi-même pour ne pas comparer port d’un vêtement et mutilation. Mais vous verrez par la suite qu’il y a quand-même un lien, et qui ne s’arrête pas à celui de l’auto-aliénation (ou même celui, plus ténu, de l’humiliation).

    Donc, je n’ai pas fini (zut pour moi et pour vous, on est fatigués, je sais, mais je vous en prie, restez, lisez-moi…) :
    JE SUIS ENTIEREMENT D ACCORD AVEC VOUS (au cas où vos yeux lisent en diagonale, ils s’arrêteront au moins ici) sur le côté paternaliste qui réside dans le fait de vouloir expliquer à ces pauvres femmes qu’elles sont un peu connes de se laisser envoiler comme ça, alors qu’elles ont de très beaux cheveux. C’est à la foi prétentieux (« je me prétends plus conscient que toi sur ton degré d’aliénation »….gare à la poutre que l’on a dans son oeil quand on se fout de la paille qui est dans celle du voisin!) ET TOTALEMENT INUTILE (ben oui, en fait, il faut une longue mutation de l’intérieur pour activer des processus de prise de conscience douloureux…genre une psychanalyse, quoi. A l’échelle de l’humanité, ça peut durer des siècles). C’est donc très con et humiliant d’interdire le port du voile (je parle pas de burqa bien entendu, car là, autant autoriser le port de la laisse pour les humains).

    Néanmoins, j’espère que je parviendrai à vous faire entrevoir ceci : LA RELIGION EST LE PENDANT NEVROTIQUE DE LA PHILOSOPHIE. A savoir, lorsque l’homme descend de son arbre et commence à se poser des questions, il se retrouve confronté au fait qu’il ne peut (et ne pourra sans doute jamais) savoir qui nous sommes, d’où nous venons ni où nous allons. Sa seule et sa grande liberté est alors de créer des systèmes de pensée voués à le rendre heureux, dans l’espace-temps fulgurant de son passage sur Terre. Or, si l’humain est un être de raison, il et aussi un être de souffrance et donc de névroses. Ces névroses vont nécessairement s’exprimer dans ces systèmes de pensées, influençant ainsi sa philosophie. Ainsi, une philosophie qui cède largement le pas à ses névroses devient une religion. Cette dernière est l’expression humanisée de la science dure que devrait être la philosophie, ou la pensée pure et objective (cette dernière étant naturellement et par essence totalement impossible).
    Or, comme chacun sait, étant des êtres vivants et reproductibles, une grosse part de nos névroses a trait à la sexualité…vous voyez où je veux en venir? La pudeur demandée aux femmes et non aux hommes (rassurez-moi, vous n’êtes pas de ces ultra-gaucho qui croient vraiment que le voile est une affaire de pure coutume vestimentaire, au même titre que la crête du punk? Vous êtes d’accord qu’il s’agit bien d’un précepte religieux ayant trait à la pudeur, le même par exemple que celui « choisi » par les bonnes-soeurs occidentales du temps jadis? Nan, parce qu’autrement… mais non, décidément j’ai foi en vous. Vous me suivez), comme d’autres coutumes religieuses, telles que le rasage de tête de femme juive mariée suivi du port éternel de perruques, ou encore non religieuse telles que l’excision…tout cela est foncièrement névrotique et lié au fait que l’homme en grande partie désire de façon animale la femme (l’inverse aussi d’ailleurs) et doit souvent…ronger son frein, sous peine de …maladies, grossesses… et comme c’est un peu plus difficile pour l’homme de subir ses pulsions sexuelles que pour la femme pour de bêtes raisons biologiques (il y a d’ailleurs des espèces animales où c’est l’inverse), et qu’en plus l’homme est dominant physiquement, …eh bien, nombre des névroses sociétales tournent autour du fait de « contrôler » le sexe de la femme, en lui imposant pudeur excessive, absence de désir sexuel suite à mutilation de l’organe du plaisir, etc… A tout ceci s’ajoute une culpabilisation inconsciente énorme de la femme quand à son origine fautive dans le désir de l’homme (ou « faute originelle », merci le mythe d’Adam et Eve…).
    Et en ceci, aucune religion ni aucune organisation sociétale qu’elle soit athée, laïque ou autre, n’est épargnée.

    C’est ainsi, la faute à la vie… à Dieu, peut-être?

    Pour résumer :
    OUI c’est paternaliste (à double sens d’ailleurs, envers les « musulmans-imigrés-non-blancs-etc », et envers les « femmes-enfants-unpeuconnes »).
    Mais NON, ce n’est pas un vrai choix que de se voiler, et oui c’est bien le signe d’une oppression-dénigrement-main-mise-viol-de-soi-non-reconnaissance-de-sa-non-culpabilité-originelle-notamment-dans-la sexualité.

    N’interdisons donc pas. Mais de grâce, faisons notre possible pour aider chacun d’entre nous à assumer ce qu’il est sans honte ni culpabilité (femme, homos, trans, noirs, arabes, roux…). Et adopter le port du voile pour une catégorie seulement de l’humanité, même si elle le « choisit », n’est PAS une bonne chose pour le bien-être de l’humanité.

    Si vous m’avez suivie jusque-là, et si je vous ai un peu convaincue, alors je jubile.
    Je vous en prie, faites-le moi savoir!

    Sinon, eh bien, tant pis, car après nous, le déluge.

    Bien à vous

    NB : imaginons qu’il soit écrit quelque part dans un livre « saint » que seules les personnes ayant la peau noire devront se voiler, qu’en penseriez-vous? Ces livres ont été écrits par des humains, notamment de sexe masculin à une époque où la contraception n’existait pas, et l’Etat non plus, donc reproduction=transmission du patrimoine, donc problèmes d’argent et de pouvoir…bref, vous voyez bien que l’argument religieux ne tient pas 2 min. Il s’agit bien d’une question de domination et de pouvoir, ensuite maquillée en « valeur religieuse » à faire gober au peuple…ici bien entendu je ne vous oblige pas à me suivre, cela n’engage que moi. Néanmoins, pourriez-vous répondre à ma question du début : pourquoi aucune religion ne propose-t’elle aux hommes d’êtres plus pudiques que les femmes? Et seriez-vous prêt à porter vous-même un voile en permanence sur votre tête, de peur d’être déshonoré devant le seigneur? Quelle image cela vous enverrait-il de vous-même?

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    • Bonjour et merci pour votre (très) long message que j’ai lu avec attention. Je m’excuse de ne répondre que maintenant. J’entends vos arguments notamment sur la question de la liberté (qui sous-tend votre propos sur le choix). Nous allons virer dans un débat philosophique mais pourquoi pas. Je ne crois pas à la liberté absolue (l’existentialisme sartrien en somme). Je pense que nous avons toujours le choix mais que cela ne veut pas dire que nous sommes absolument libre. Chaque choix implique des conséquences (bonnes ou mauvaises j’entends bien).
      Vous avez tout à fait raison quand vous dites que nous sommes tous aliénés, vous et moi les premiers malgré ce qu’on veut bien croire.
      En revanche je ne vous rejoins pas sur un point: votre éloge de la psychanalyse freudienne lorsque vous parlez de névrose et de la prééminence de la question sexuelle dans la domination. C’est un débat que l’on peut avoir mais je ne crois pas en la psychanalyse freudienne ou tout du moins à son obsession sur la question du sexe. Etant donné que cette conviction conditionne une grande partie de votre argumentaire il est compliqué pour moi de répondre à vos arguments en totalité.
      Je n’ai pas l’habitude de débattre sur la justesse ou non des religions puisque selon moi cette question n’est pas rationnelle et aucun argument rationnel ne peut convaincre l’un ou l’autre.
      Je réponds à vos dernières questions: je ne sais pas si je serai prêt à porter un voile en permanence sur ma tête mais si telle était la situation j’aimerais juste qu’on ne me dise pas quoi faire (d’un côté ou de l’autre).

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      • …et vous auriez bien raison! Pour être honnête, je suis absolument ravie que vous m’ayez lue, attentivement de surcroît…magie de l’internet! Je vous découvre à la télé, écran infranchissable par excellence, et hop, quelques jours après nous discutons directement par claviers interposés.

        Bref, je reviens rapidement au sujet.
        Je suis encore d’accord avec vous sur plusieurs points : je ne crois pas au lire-arbitre (vision Spinoziste, donc, si je me souviens vaguement de mes cours de philo du lycée, ..qui en revanche, pardonnez-moi, ont complètement zappé Sartre).
        Et comme vous, je ne crois pas en la théorie freudienne ou du moins « la prééminence de la question sexuelle » à toutes les sauces. Après m’être relue, il ne me semble néanmoins pas en avoir fait l’éloge. J’ai toujours eu l’impression d’avoir avant tout une vision biologiste, et ensuite d’y avoir intégré des notions de psychologie humaine (bah, en fait, la première étant inhérente à la première, mais je m’égare encore sur des terrains philosophiques).

        Hé bien justement, puisque vous me tendez la perche (si, vous me la tendez, vous ne voyez pas?), voici pour moi UN ENORME ECUEIL DE LA POLITIQUE (j’aime bien ce procédé visuel, vous avez remarqué), et donc des politiciens et des passionnés de politique dont, je suppose, vous faites partie : une grande tendance à considérer l’être humain comme fondamentalement rationnel, en mettant totalement de côté le versant psychologique et les différentes névroses qui l’habitent (non, « névrose » n’est pas un gros mot et n’appartient pas uniquement à la caste des psychanalystes extrémistes, dont je ne fais pas partie pour le coup). C’est pour moi une erreur fondamentale.
        Elle sous-tend par exemple en grande partie la doctrine libérale, avec l’idée que le marché pourrait s’auto-réguler, la somme des intérêts particuliers conduisant à l’intérêt général. Mais c’est sans compter avec la nature animale et son instinct de triche!!! Les financiers, traders, etc… s’y sont engouffrés et ont aspiré des sommes monumentales par le biais de montages pas vraiment illégaux mais pas prévus, pourvoyant bien au-delà de ce qui était imaginable jusqu’ici à leur intérêt particulier, et envoyant gentiment l’intérêt général dans le décor. De même, la fraude fiscale, non rationnelle puisqu’en définitive nous privant de nos moyens à long terme, est massivement pratiquée (et pas uniquement par les gros poissons, au passage…) Pourquoi? Angoisse du manque, délire et jouissance de la possession, ivresse de la prise de risque…qu’ajouter encore?
        L’être humain est fait de passions (et, sans être freudienne, la sexualité est un enjeu majeur au sein de celles-ci, mais vous êtes certainement trop aliéné par votre conditionnement intellectuel et sociétal pour pouvoir à ce jour affronter cette idée… vraiment rien de péjoratif à votre égard dans cette dernière phrase, croyez-moi, nous avons déjà admis que nous étions TOUS, et moi la première, aliénés, je ne peux donc que vous proposer ma vision de votre paille oculaire, et je vous laisse tous les droits quant à votre réponse sur ma poutre ophtalmique). Passions, obsessions, névroses, font capoter pas mal de planifications politiques, qui pourtant sur le papier sonnaient bien : le communisme, par exemple, magnifique idéal, qui a juste oublié que l’être humain ne fonctionne pas comme un objet mathématique dans une belle équation, mais bien avec toutes ses peurs et ses déraisons, ses félonies, ses envies…

        Bref, j’aurais aimé, telle une grande soeur, vous alerter sur le risque d’oublier toutes les névroses pulsionnelles qui nous modèlent et nous aliènent, tout autant que notre carcan social. Je vous en prie, donnez-vous pour sacerdoce de ne pas détourner inconsciemment le regard, et de tâcher de les débusquer partout où elles sont. Quand vous ouvrirez grand vos yeux elles vous sauteront au visage. Ensuite vous pourrez juger.

        Pour en revenir à la religion, à l’aune de ces lumières, je vous réitère mes 2 dernières questions, auxquelles curieusement, vous n’avez pas répondu (un lapsus, aurait dit Freud…) : pourquoi aucune religion ne propose-t ’elle aux hommes d’êtres plus pudiques que les femmes? Et si cela devenait le cas un jour, et que vous-même, à l’instar des femmes qui en seraient dispensées, étiez incité à porter un voile en permanence sur votre tête, sous peine d’être déshonoré devant le seigneur, quelle image cela vous enverrait-il de vous-même?

        Et comme je suis sympa, je vous fais les questions et les réponses dans la foulée (les réponses étant elles-même formulées sous forme de questions comme vous allez le voir, histoire de vous laisser une porte ouverte) :
        En définitive, donc, après tout ce que je viens de dire, et ce que j’avais déjà dis, vous comprenez que, moi non plus je n’établis pas du tout la religion comme un phénomène rationnel, mais justement comme une émanation des différentes passions, névroses et nécessités biologiques qui traversent l’être humain, point besoin d’être psychanalyste pour en convenir. Ce n’est donc pas la question, et vous avez tenté sans même vous en rendre compte d’en détourner l’objet.
        Voici la vraie question que je vous pose : si on admet que la religion exprime un comportement névrotique chez l’être humain (en ce qui concerne par exemple la pudeur imposée aux femmes plus qu’aux hommes : elle traduit le besoin biologique et sociétal pour l’homme de contrôler la sexualité de la femme), cette névrose doit-elle être soutenue, lorsqu’elle tend à désigner implicitement une partie de la population comme responsable de ce qui est supposé impur (le sexe hors mariage, et peut-être le sexe tout court) et ainsi lui dérobe une partie de l’estime de soi par le biais de la culpabilisation (fut-ce-t’ elle auto-culpabilisation) ?
        Dans votre message, vous m’aviez fait une jolie pirouette en disant : « je ne peux pas qualifier de juste/injuste ce qui n’est pas rationnel »…Eh bien, vraiment, je ne vois pas pourquoi : la plupart des crimes ne sont pas rationnels, et pourtant nous les qualifions bien de justes ou injustes au sein des tribunaux.

        Allez, vous avez 4 heures, ha, ha…

        Au plaisir de vous lire. (et désolée, décidément, je ne sais pas faire court)

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      • Je ne considère pas l’être humain comme fondamentalement rationnel et je pense que l’écueil que vous pointez n’est pas exact. Les théories politiques ne postulent pas que l’Homme est rationnel mais qu’il est bon. en ce sens elles adoptent une posture rousseauiste et le fameux « l’Homme nait bon c’est la société qui le corrompt ». Le libéralisme comme le marxisme postule cela.

        Je n’ai pas répondu aux questions c’est vrai parce que je n’ai pas de réponse à ces questions et que plutôt que faire une pirouette je préfère répondre je ne sais pas (pas de lapsus ici et j’exècre la pensée freudienne personnellement).

        Quant à votre dernière question, il m’est impossible d’y répondre car nous ne prenons pas le même cadre. Je ne considère pas la religion comme un comportement névrotique. A partir de là le seul débat que nous pouvons avoir est sur le caractère névrotique ou non de la religion puisque votre question découle de ce cadre prédéfini.

        Je pense m’être mal exprimé, quand je parle de justesse ou non des religions je parle de rationalité pas de morale.

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