D’après les mots d’Abdou Diouf, ancien président du Sénégal, l’Afrique est désormais « un continent d’avenir qui ne supporte plus le regard apitoyé des autres ». Autrefois il aurait été interprété comme l’expression d’une fierté bravache et inconsciente mais aujourd’hui il saisit la réalité d’une Afrique subsaharienne en mouvement. La croissance rapide de l’économie est l’indicateur le plus marquant : elle a atteint 5,7% de croissance en 2013 (quand la zone € peinait à sortir de la récession) soit deux points de plus que la croissance mondiale. Depuis 2001, sa croissance atteint et le plus souvent dépasse les 5% annuels et même durant le marasme mondial de 2009 sa croissance se maintenait à 2,8%. Mieux encore, depuis douze ans la croissance économique est deux fois plus rapide que la croissance démographique donc l’Afrique s’enrichit. Ainsi, au cours des années 2000, selon Hugon, la part de la population vivant en deçà du seuil de pauvreté absolue est passé de 66 à 60%, 32% de la population gagnent entre 1500 et 3800€ annuels (contre 29 au début de la décennie). Néanmoins, ces chiffres cachent des disparités importantes entre les 49 Etats subsahariens : l’Afrique du Sud (30% du PIB de la région) et le Nigéria (21) pèsent économiquement autant que tous les autres Etats réunis.
La fin du dogme libéral
Plusieurs facteurs expliquent cette meilleure santé économique. Le premier est la hausse des prix internationaux des matières premières à partir des années 2000 et leur maintien à des prix élevés du fait de la demande soutenue de la Chine et des autres émergents. Ceci constitue un total retournement de situation par rapport aux années suivant le contre choc pétrolier et les ajustements structurels imposés par leurs créanciers (FMI et BIRD) aux Etats africains avec notamment des coupes budgétaires qui ont accru la pauvreté.
Les émergents achètent
L’envolée des prix des matières premières a permis de stopper cette spirale infernale. Aussi fait–elle ressortir les limites d’une croissance fondée sur les ressources naturelles : les croissances les plus fortes ont ainsi été enregistrées dans les pays riches en hydrocarbures comme l’Angola, le Nigeria, le Ghana, le Mozambique et les pays miniers (RDC, Zambie, Burkina ou encore Niger). Cependant ces facteurs exogènes sont aujourd’hui relayés aujourd’hui par des moteurs internes qui montent en régime, à commencer par le changement dans la gestion des affaires publiques. On assiste par exemple à une diversification de leurs clients de la part des pays énergétiques. D’ailleurs le FMI incite les Etats africains à renégocier les contrats miniers. Les Etats d’Afrique sont également mieux gérés : même si le prix a été exorbitant, les politiques d’ajustements structurels ont eu pour mérite de redonner des marges de manœuvres budgétaires qui sont aujourd’hui profitables aux Etats. Il est aujourd’hui beaucoup plus difficile aux dirigeants de se servir en oubliant de servir le bien public et de ne pas se soumettre aux règles élémentaires de la démocratie.
Le partage des richesses
Certes la démocratie est toujours aussi peu une réalité dans de nombreux Etats mais cela n’empêche pas les bonnes nouvelles de se multiplier. En 2011, au Niger, les militaires ont par exemple tenu parole et permis la tenue d’un scrutin qui a rendu le pouvoir aux civils. Au Sénégal, Abdoulaye Wade a reconnu sa défaite en 2012 alors que l’on craignait une guerre de faction. Pour autant les défis restent immenses. Cette Afrique est devenu une nouvelle terre de conquête pour les firmes occidentales qui se disputent les marchés publics et de grande consommation. La part de la valeur ajoutée manufacturière dans le PIB subsaharien reste ridiculement faible (12,5% en 2010). Malgré la croissance elle a continué à reculer durant les années 2000 alors qu’il est urgent de créer de l’activité dans une région dont la population va gagner 500 Millions de têtes dans les 20 années à venir. Par ailleurs, l’amélioration du niveau de vie concerne principalement les citadins et la pauvreté reste endémique en périphérie et en zone rurale. Reste à savoir si « l’Afrique qui bouge » relèvera ce défi de l’emploi urbain et rural ou si sa croissance, qui reste peu inclusive, laissera sur le bord de la route la moitié de sa population.
Ton optimisme fait plaisir… Peut-être que les pays africains doivent s’affranchir non seulement du néolibéralisme, mais surtout du modèle capitaliste ?
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Oui sans doute. Ils doivent (nous devons) réinventer un nouveau modèle économique il me semble
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