A la suite des attentats qui ont touché la France les 7 et 9 janvier derniers, d’aucuns se sont alarmés sur la ghettoïsation vécue par certaines populations. Manuel Valls est même allé jusqu’à parler d’un « apartheid » social qui toucherait la France. Et pour cause, à diplôme égal, les descendants d’immigrés ont deux fois moins de chances de trouver un emploi que les autres. Pire encore, l’adresse serait un élément discriminant de telle sorte que les résidents des quartiers dits sensibles ont bien moins de chance de trouver un emploi que des personnes venant de quartiers plus huppés.
Finalement, la vie des populations de ces quartiers n’est pas si éloignée du tableau très sombre que décrivait Mathieu Kassovitz, il y a près de 20 ans, dans La Haine. Malgré toutes les promesses faites par l’Etat à la suite des émeutes de 2005, rien ou presque n’a changé et comme le rappait déjà Akhenaton dans Demain c’est loin en 1999 : « C’est toujours la même merde derrière la dernière couche de peinture ».
Pour répondre à cette situation, la solution la plus envisagée est celle de la discrimination positive. Ainsi, fraichement élu, François Hollande a mis en place une politique d’accès aux classes préparatoires : il s’agit de faire intégrer une classe préparatoire à au moins 5% d’élèves dans chaque lycée. Si cette mesure peut être vue comme un cadeau et une chance accordée aux lycéens issus d’établissements classés en ZEP, elle est en réalité un cadeau empoisonné et un piège pervers.
Où est la méritocratie ?
Instaurer des quotas dans des domaines aussi variés que l’éducation ou le marché de l’emploi coupe nécessairement court à tout principe d’égalité et de mérite. Accorder automatiquement des places à telle ou telle communauté ethnique ou sociale va, en effet, à l’encontre de la valeur républicaine d’égalité. En réalité, mettre en place une politique de discrimination positive revient à travestir l’idéal d’égalité porté par la nation en un égalitarisme potentiellement vecteur de nivellement par le bas.
En outre, comment expliquer à une personne qui a de meilleurs résultats qu’une autre qu’elle doit laisser sa place en vertu de l’origine de la personne que l’on accepte à sa place ? Eriger la discrimination positive en idéologie revient à jouer aux apprentis sorciers et à accentuer les tentatives communautaires et les tensions entre groupes ethniques, sociaux ou géographiques.
Une discrimination, même positive, reste une discrimination
Mettre en place une politique de discrimination positive aboutit nécessairement à différencier la population et à pointer du doigt telle ou telle communauté. Accorder une place réservée en prépa ou sur le marché de l’emploi à des personnes issues de certains quartiers, c’est finalement leur nier la capacité à réussir à le faire sans aide.
De plus, mettre en place de telles politiques conduit paradoxalement à renforcer la mise en retrait de ces populations. Les Zones d’Education Prioritaire sont à ce titre un exemple frappant. Comme l’explique Eric Maurin dans son ouvrage Le Ghetto Français, la mise en place des ZEP, loin de réduire les inégalités, les a accrues dans la mesure où les populations des classes moyennes mettent en place des stratégies d’évitement de ces établissements scolaires, laissant les populations des quartiers populaires entre elles au sein de ces établissements.
La discrimination positive : agir sur les effets plutôt que sur les causes
Bien souvent, la discrimination positive ne conduit qu’à agir sur les effets des inégalités sans pour autant s’attaquer à leurs causes. Aussi la discrimination positive ne se résume-t-elle qu’à un saupoudrage de diversité sans pour autant changer le fond des problèmes. En ce sens la proposition de réserver des places en classes préparatoires aux lycéens issus de lycées ZEP symbolise bien la vacuité de la discrimination positive.
Il est, en effet, bien beau de permettre aux lycéens des ZEP d’intégrer une classe préparatoire mais si ces derniers n’ont pas pu acquérir les armes nécessaires à la réussite dans cette filière, leur intégration est vouée à l’échec. Plutôt que d’envoyer un quota minimum de ces élèves en prépas, il me semble plus judicieux de réformer en profondeur l’éducation pour donner les mêmes chances aux élèves de ZEP qu’aux autres, sans compter que l’extrême majorité de ces élèves ne sont pas au courant de la possibilité de faire une classe préparatoire.
Pratiquer la discrimination positive revient donc à masquer les effets sans se préoccuper des causes réelles d’inégalités. Finalement, mettre en place une telle politique, c’est casser le thermomètre pour dire qu’on n’a plus la fièvre.