Ce que cache leur « pédagogie »

Depuis des années, elle est un mantra utilisé avec constance et répétition. Je veux bien entendu parler de la fameuse et fumeuse pédagogie dont les responsables politiques nous rebattent les oreilles à longueur de temps. L’arrivée de Monsieur Macron à l’Elysée, bien loin d’avoir atténué cette tendance, a renforcé me semble-t-il l’utilisation qui est faite de ce concept. Aux côtés du pragmatisme et de l’efficacité, la pédagogie figure effectivement en bonne place des mantras macroniens et, par extension, de tous ceux utilisés par les présidents précédents. Dès lors qu’un mouvement social d’ampleur ou que la côte de confiance d’un président ou d’un premier ministre s’effondre – ce qui arrive inlassablement au gré des trahisons et des politiques de classes menées dans ce pays – la carte pédagogie est brandie par la caste au pouvoir.

Emmanuel Macron n’échappe évidemment pas à la règle et le voilà qui a prestement utilisée la pédagogie pour tenter de contrer le mouvement social qui est en train de naître dans le pays. Comme tous ses prédécesseurs, il a ainsi expliqué que les Français n’étaient pas réellement contre sa politique mais qu’ils n’avaient pas réellement saisi les ressorts de celle-ci. Comme tant d’autres avant lui, le nouveau locataire de l’Elysée a rapidement annoncé qu’il fallait que le gouvernement fasse preuve de plus de pédagogie pour expliquer les réformes menées aux Français. Au-delà de l’aspect communicationnel du concept, la pédagogie recouvre, à mes yeux, tout un imaginaire qui est celui d’une véritable haine de l’exercice démocratique et de la confrontation d’idées. Celle-ci est assurément utilisée pour imposer ses vues sans qu’aucun débat n’ait lieu. Il va de soi que tout au fil de ce billet par pédagogie j’entends le détournement qui en est fait par la caste au pouvoir.

 

L’insulte faite à l’intelligence et l’infantilisation

 

Le premier des présupposés de cette utilisation massive du concept de pédagogie par les gouvernants est assurément l’affirmation implicite que les Français seraient cons. Le propos est cru mais je le crois juste. Dire qu’il faut faire de la pédagogie pour que la réforme passe mieux c’est en d’autres termes expliquer que les citoyens qui suivent les débats et la politique menée dans ce pays ne sont pas assez intelligents pour se faire leur propre idée. La caste au pouvoir se prend sans doute pour le philosophe décrit par Platon dans son allégorie de la Caverne qui remonte à la surface pour apporter la vérité aux prisonniers de ladite caverne. Cette insulte faite à l’intelligence collective n’est guère surprenante tant le mépris et la morgue crasses de cette caste est chaque jour plus prégnant. Toutefois, il me semble qu’il y a un deuxième présupposé à cette notion de pédagogie, peut-être plus intéressant.

« Instruction, éducation des enfants, de la jeunesse » telle est la première définition que donne le CNRTL à la notion de pédagogie. Parler de pédagogie revient donc à infantiliser les citoyens. Il faut dire que cette sécession des élites dirigeantes est le fruit d’une longue maturation qui arrive à incandescence sous le règne du monarque présidentiel Macron. Les cénacles de Bercy, tous ces hauts fonctionnaires acquis au néolibéralisme le plus dur piaffaient et trépignaient d’impatience d’appliquer au pays la même cure néolibérale qu’ailleurs. Les voilà servis avec Emmanuel Macron et l’utilisation de la notion de pédagogie prend tout son sens. Dans leur tour d’ivoire, ces personnes pensent savoir pour la population ce qui est bien pour elle sans que la population elle-même ne le sache. Il y a donc une réelle infantilisation au plus haut niveau de l’Etat et une véritable haine des processus démocratiques ainsi que du débat contradictoire.

 

Haine de la contradiction, haine du débat, haine de la démocratie

 

On pourrait ne voir dans la pédagogie que le révélateur d’un mépris certain pour les classes populaires de ce pays. Je crois pourtant qu’il faut creuser plus loin et que ce que nous révèle le concept de pédagogie mis dans la bouche des dirigeants de ce pays est bien effrayant. C’est en somme le retour du « There is no alternative » de Thatcher. La caste de Bercy et son prolongement qu’est le gouvernement actuel considèrent qu’il n’y a que leur voie qui est la bonne et dénient à quiconque d’autre le droit de proposer un autre chemin. En cela le concept de pédagogie est un formidable outil pour expliquer qu’il n’y a pas d’alternative, que la seule action qui vaille est d’expliciter les raisons de la politique menée et que ceci finirait par satisfaire les populations.

La pédagogie n’est pas uniquement l’outil du mépris mais bien plus celui du refus du débat contradictoire.  La stratégie du choc enclenchée par Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir ne répond pas à un autre objectif. Le dessein poursuivi n’est rien d’autre que d’imposer un et un seul imaginaire politique, dire en somme que le capitalisme néolibéral est l’horizon indépassable et qu’il ne sert à rien de le contester. Toute l’histoire de ce courant de pensée est d’œuvrer pour faire en sorte de se présenter non seulement comme le modèle le plus rationnel mais plus encore comme le seul modèle véritablement viable. En ce sens, la pédagogie vantée par nos dirigeants n’est rien d’autre qu’une forme de propagande visant à convaincre tout le monde du bien-fondé de cette démarche. Cette haine de la contradiction n’est rien d’autre qu’une haine de la démocratie de la part de cette caste qui se gave sur le dos de la population.

Je le disais plus haut, la pédagogie, dans ses présupposés, vise évidemment à nous infantiliser, à nous traiter comme des personnes dépendantes et trop faibles d’esprit pour comprendre par nous-mêmes. Assez de cette fable que l’on raconte aux enfants qu’ils aimeraient que l’on soit pour les endormir. Montrons-leur que nous n’avons pas besoin de leurs explications, que nous comprenons très clairement de quoi il en retourne et que c’est leur vision que nous vomissons. Ils nous prennent pour des enfants et des brebis. Montrons-leur que les brebis unies et enragées peuvent devenir plus dangereuses que les loups.

13 commentaires sur “Ce que cache leur « pédagogie »

  1. L’uniformité, le conformisme et la médiocrité de toute cette bande de jean-foutre, avec à leur tête le jeune paltoquet arrogant, n’a d’autre solution pour s’en sortir que de psalmodier son catéchisme capitaliste pour tenter de convaincre des ouailles qui ne croit pas ou plus en leur paradis néolibéral.
    J’ai tant été déçu par le passé que je n’ose croire que le frémissement que l’on ressent un peu partout dans le rejet de cette engeance malfaisante ira cette fois jusqu’au bout : leur botter le cul au propre comme au figuré.
    Mais comme je l’ai écrit dans un commentaire précédent ce qui s’est passé à Montpellier et ailleurs, l’alliance d’une caste qui s’accroche à son pouvoir et l’extrême-droite devient chaque jour un peu plus criante. A suivre….

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  2. Bonjour Marwen. Texte intéressant et fort juste quant à son diagnostic du macronisme : infantilisation, refus du débat, imposition discrète d’une seule vision possible qui ne saurait être contestée – puisque « vraie » – mais seulement mal comprise. Il y aurait une lecture gramscienne à faire de la pédagogie macronienne (de la pédagogie néolibérale en général). Le concept d’hégémonie culturelle (et les autres concepts associés chez Gramsci) a une réelle pertinence ici, quand bien même on refuserait d’adhérer au communisme de Gramsci pour chercher d’autres solutions aux injustices et aux crises du capitalisme. Un auteur british, Andrew Pearmain, a tenté une analyse gramscienne du discours du New Labour de Blair (dont Macron est un avatar). Je n’ai pas lu ce livre de Pearmain (qui est aussi l’auteur d’un roman sur Gramsci) mais ça pourrait t’intéresser, malgré les réserves émises par un lecteur avisé sur Goodreads (https://www.goodreads.com/book/show/11483588-politics-of-new-labour). Merci pour ton texte et au plaisir.

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  3. Bonjour,
    Merci Marwen pour ce texte clair et cohérent, comme tous vos écrits !
    Pour pousser le bouchon un peu plus loin : et si tous les militants sortaient aussi de vouloir « faire de la pédagogie » ? Parce qu’il s’agit toujours de commencer par « les gens sont cons »…
    Que se passerait-il si nous arrêtions de vouloir faire passer notre message pour aller réellement à la rencontre des gens pour faire de la démocratie…
    Un livre : « Vers l’âge d’or de l’éducation populaire, Le peuple éducateur », Yves Guerre, l’Harmattan.
    http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=42556&razSqlClone=1

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    • Bonjour, merci à toi !
      En fait je crois que l’on peut expliquer un projet sans pour autant tomber dans le cliché du pédantisme et de se croire dans sa tour d’ivoire tout à fait ! Je ne connaissais pas ce livre il a l’air intéressant

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  4. Hum,
    Tout de même il me semble que la politique que macron,bien avant son élection,a été dénoncé depuis un long moment.
    C’est comme si je détectait une panne mais que je n’utilisais pas les bons outils ou que je tergiversais avec mes collègues pour y remédier et pendant ce temps l’aggravation de celle-çi.
    Ce que je dénonce est tout ces pisse-froid,ces opportunistes,carrièristes de « gôche » ces suiveurs dont les convictions ne sont basées que sur des propos de comptoir.
    Que n’a t’on pas entendu!!! « oh la la trop extrême,trop radical,futur dictature,etc » pour moi il est trop facile de dire que les médias ont favorisé l’élection du p’tit drh,non il n’y a qu’a revoir les séquences en amont,tout ces gens dit « progressiste » qui n’ont aucune culture,font dans l’immédiateté pour maintenir leurs status (oui eux ils en veulent un)
    Il faut donc revoir en profondeur qui fait quoi,les postures des uns et des autres ont fait oublier les véritables enjeux de notre modèle social certes des Lordon,Ruffin,Mélenchon essaient de remettre du fond dans tout cela mais avec quel soutient? où sont ils les ceux qui sporadiquement interviennent pour des petites dénonciations oubliées 10 mn plus tard.
    On commente,on analyse le camp d’en face pourquoi?moi même n’étant pas un érudit je comprend depuis trente ans là où l’on veut nous amener c’est à dire dans le mur,dans le dur.
    Par contre je n’entend pas des analyses sur les positions des duflot,hamond,etc pour moi c’est bien eux la cause de ce qui arrive et c’est bien eux qu’il faut dégager parce qu’ils sont encore là et qu’ils louvoient entre deux chaises pour ne pas perdre leurs privilèges(oui parce que eux ils en veulent)
    Donc j’attend de nos journaux,blogs,sites alternatifs qu’ils fassent le ménage dans ce foutoir revendicatif,il faut le faire et dire « bien toi t’es pas clair tu nous empêche d’avancer » certes l’on accepte les convictions de chacun mais cela n’en aient pas c’est juste de la posture à l’image d’un varoufakis.
    Voilà faites ça déjà,j’en ai rien à foutre comment macron s’y prend,j’aimerais bien savoir si de notre côté l’on a bien les éléments qui nous permettent de ramener aux urnes ces millions de personnes dégoutées par les pratiques décennales.

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    • On est totalement d’accord sur le constat de ces soi-disant progressiste mais je crois que pour convaincre les millions de personnes dégoutées par ces pratiques comme tu dis très justement passe aussi par déconstruire les mythes colportés par cette caste

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