En suggérant que les églises désaffectées puissent être transformées en mosquées, Dalil Boubakeur ne pensait pas déclencher une polémique telle que des personnes comme Eric Zemmour, Nicolas Sarkozy ou Alain Finkielkraut se sentent obligées de signer une pétition dans Valeurs Actuelles pour affirmer : «Ne touchez pas à nos églises ». Selon l’hebdomadaire, les propos du futur ex-président du CFCM sont une « provocation » et illustrent à merveille la théorie du grand remplacement si chère à Eric Zemmour et Renaud Camus.
Que des intellectuels, ou du moins des personnes prétendant l’être, s’oppose avec véhémence à un simple « pourquoi pas ? » lâché par Dalil Boubakeur à Jean-Pierre Elkabach et évoque la théorie du grand remplacement peut se comprendre. Mais qu’un homme politique de premier plan, chef de l’opposition et ancien président de la République cosigne cette pétition et ne tente pas d’aborder le sujet de manière constructive en jetant de l’huile sur le feu, cela ne me semble pas raisonnable. « Le courage, disait Jaurès, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ». Tentons donc d’aborder les vraies questions que pose cette opposition.
Comment sauver les églises de France ?
La France est de moins en moins religieuse, c’est un fait. Aussi les catholiques pratiquants sont-ils bien peu nombreux à fréquenter les 45 000 églises présentes sur le territoire. Si la décision de Dalil Boubakeur a « braqué les Français » selon Valeurs Actuelles, qui s’appuie sur un sondage affirmant que 67% des Français sont contre la transformation des églises vides ou abandonnées en mosquée, il n’en demeure pas moins vrai que les églises de France sont aujourd’hui bien peu utilisées. Les transformer en mosquées, au vu du rejet majoritaire de cette idée, ne me semble pas être la bonne solution. En ces périodes de repli et de peur, toute décision qui peut accroître la division au sein de la population doit être évitées parce que l’unité est nécessaire pour construire une société meilleure et plus juste.
Et pourtant, les églises et autres édifices religieux font partie du patrimoine du pays. Les laisser dépérir en étant à l’abandon n’est pas une solution acceptable. Que ceux qui ont signé la pétition nous fassent donc des propositions pour préserver le patrimoine architectural que représentent ces édifices. Là est le réel débat à avoir sur ce sujet, comment préserver ces monuments qui font la richesse de la France mais dont l’entretien coûte très cher ? Plutôt que de singer les théoriciens et penseurs d’extrême droite, le rôle de Nicolas Sarkozy n’est-il pas de porter un tel débat et de faire des propositions en ce sens ?
L’hypocrisie par rapport aux lieux de cultes musulmans
La deuxième grande question que pose cette polémique est celle de l’attribution de lieux de culte décents à la communauté musulmane. Là encore, plutôt que d’attiser les divisions et les ressentiments au sein de la population il me semble plus noble et plus républicain (certains en portent le nom, qu’ils agissent alors selon les principes qu’ils prétendent défendre) d’avoir un débat posé et dénué de passion à ce propos. Les tenants du grand remplacement nous expliquent aussi que celui-ci est visible dans les prières de rue. Mais quelle personne sensée peut croire que les musulmans sont satisfaits de prier dans la rue et de ne pas avoir de lieux de cultes décents pour la plupart d’entre eux ?
Ce débat mérite d’être posé et de réelles propositions doivent voir le jour. On nous dit que la France, de par la laïcité n’a pas vocation à financer les lieux de culte d’une religion et ceci est totalement juste. D’autre part, les mêmes personnes sont hostiles au financement des mosquées par les pays musulmans pour éviter la propagation d’idées extrémistes au sein de ces dernières. Il apparait donc une incohérence dans le raisonnement de ces personnes : on ne peut pas d’une part réclamer l’arrêt des prières de rue et faire de celles-ci un argument politique et d’autre part mettre tous les bâtons possibles dans les roues de la construction de nouvelles mosquées, seule manière de faire disparaitre lesdites prières de rue.
Alors Monsieur Sarkozy, vous qui citiez Jaurès dans vos discours en 2007, essayez donc de vous placer un peu dans son héritage et de faire preuve de courage. Critiquer et exciter les foules à tout va est chose facile et lâche, instaurer un débat apaisé et tenter de trouver des solutions aux problèmes qui peuvent advenir est bien plus noble. Là est le vrai but de la politique, loin des postures et des petites phrases. Oubliez donc la politique avec un petit p comme vous l’avait déjà si bien fait remarquer Jacques Chirac en 2004.