Syriza: chance pour l’Europe ou énième désillusion pour la gauche européenne?

En arrivant en tête des élections législatives du 25 janvier dernier, et en frôlant même la majorité absolue, Syriza a, pour beaucoup d’observateurs, enclenché une nouvelle étape dans la politique de l’Union Européenne et de la zone euro. En effet, la victoire d’une coalition opposée à l’austérité dans le pays le plus endetté de la zone euro peut changer durablement la donne au sein de l’Union Européenne. En nommant Yanis Varoufakis, qui se revendique comme marxiste, au ministère de l’économie, Alexis Tsipras a voulu envoyer un message fort en direction de l’UE et d’Angela Merkel en particulier.

Quelques jours après sa victoire, Alexis Tsipras entamait un tour d’Europe pour défendre sa vision sur le remboursement de la dette grecque et affirmait que la Grèce n’avait « pas besoin d’une prochaine aide de 7 milliards d’euros » prévue en mars. Dès lors cette victoire de Syriza peut-elle insuffler un nouvel élan dans une Europe atone et proche de la déflation, ou celle-ci n’est-elle vouée qu’à marquer un nouvel échec de la gauche européenne dans sa tentative de refonte de la politique économique de la zone euro?

Un nouvel élan pour la gauche européenne

Le basculement de la Grèce à gauche vient renforcer le mouvement déjà amorcé depuis 2012 avec l’élection de François Hollande à la présidence française. Ce dernier, qui souhaitait mettre en place « un front européen pour défendre la croissance« , voit en Alexis Tsipras un allié de choix. Effectivement, en ajoutant Matteo Renzi en Italie, on aboutit à un début de front en faveur de la croissance, comme a pu le montrer la prise de position de Matteo Renzi qui a défendu Syriza devant Angela Merkel et s’est posé en garant d’une stabilisation de la situation grecque.

En outre, Syriza a déjà effectué plusieurs annonces allant dans le sens d’une refonte de l’Europe notamment en annonçant que la Grèce ne ratifierait pas le TTIP ou qu’elle n’avait plus besoin du plan d’aide prévu pour mars. Le ministre de l’économie a, de plus, rencontré le président de la BCE, Mario Draghi, pour plaider la cause de la Grèce et négocier une restructuration de la dette. Ainsi, la Grèce émet le souhait de voir les modalités de remboursement de sa dette évoluer. La Grèce a, également, l’intention d’émettre un nouveau type d’obligations qui seraient indexées sur la croissance, les obligations pourraient donc avoir un taux de 0%. Cette décision est destinée à faire diminuer la charge de la dette, c’est-à-dire les intérêts payés par la Grèce sur sa dette.

Mais là où la victoire de Syriza permet de croire à un renouveau de l’Europe, c’est dans l’élan qu’elle crée dans son sillage. En France, c’est Jean-Luc Mélenchon qui symbolise cet élan. Il a, en effet, affirmé que la victoire de Syriza constituait « une victoire historique pour la gauche européenne et enclenche une nouvelle dynamique dans l’Union Européenne et la zone euro« . Toutefois le pays où cet élan est le plus fort est l’Espagne puisque le parti Podemos, créé il y a tout juste un an et issu du mouvement des Indignés, ne cesse de progresser et voit ses rangs grandir à chaque manifestation. Selon un sondage, si les élections avaient lieu aujourd’hui, Podemos arriverait en deuxième position avec près de 24% des suffrages et devancerait le Parti Socialiste Espagnol (PSOE). Néanmoins, au contraire de la Grèce, pour le moment Podemos resterait derrière le Parti Populaire crédité, lui, de 27%.

Un risque de nouvelle désillusion pour la gauche européenne?

Cependant, le risque est grand de voir la gauche européenne vivre une nouvelle désillusion et un nouveau renoncement. En effet, Alexis Tsipras a déjà adouci son discours par rapport à ses discours électoraux. À l’issue de son entretien avec François Hollande, il a affirmé que la Grèce « [devait] respecter les règles européennes« . De la même manière, le discours du ministre de l’Économie est plus édulcoré que lors des discours de campagnes puisque Alexis Tsipras promettait d’annuler partiellement ou totalement la dette grecque. Il s’agit dès lors d’un premier renoncement lorsque Yanis Varoufakis se contente de demander une restructuration de la dette grecque.

Alors, la démarche de Syriza va-t-elle constituer un nouvel échec pour la gauche européenne? En effet, depuis 2012, on compte au moins deux renoncements de la gauche européenne à faire évoluer la politique de la zone euro: François Hollande, tout d’abord, qui, après avoir vilipendé la règle d’or et le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) durant la campagne présidentielle de 2012, a finalement signé le fameux traité. Et Matteo Renzi, ensuite. Qui, après avoir incarné une certaine idée d’une politique relativement dynamique et connu des résultats probants au début de son mandat, apparaît aujourd’hui comme rentré dans le rang et dans le moule de la politique défendue par Angela Merkel.

La gauche européenne est donc, aujourd’hui, à un tournant. Effectivement, si elle arrive à inverser le rapport de force et à réorienter la politique européenne vers plus de croissance et de relance, elle montrera par là même son renouveau et sa capacité à se réinventer en se donnant un nouveau souffle. En revanche, en cas de nouvel échec, elle signerait son arrêt de mort ou tout du moins elle montrerait alors son incapacité à se réinventer et à peser sur le débat européen. Dans cette éventualité, elle ne ferait que confirmer le glissement de l’échiquier politique européen vers la droite que Raffaele Simone a si bien mis en avant dans Le Monstre doux. L’occident vire-t-il à droite?

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